Qu’est-ce qu’un génogramme, l’outil systémique ?
Un génogramme est un outil systémique permettant de fournir une représentation graphique de la structure familiale, et ce, sur plusieurs générations. Il permet ainsi de mieux comprendre les relations entre les membres de la famille ainsi que les symptômes dont certains peuvent souffrir. Le génogramme peut être très utile pour les professionnels du secteur social et médico-social qui conduisent des entretiens familiaux, et sont amenés à examiner l’histoire des familles qu’ils prennent en charge. Qu’est-ce qu’un génogramme ? À quoi sert-il ? Comment est-il réalisé ? Vous le découvrirez dans cet article.
Le génogramme est une photographie de la famille sur diverses générations
Le génogramme a fait son apparition dans les années 1960 aux États-Unis. Mais les Européens commencent à utiliser cet outil systémique au cours des années 1970.
Il permet de représenter graphiquement une famille en se focalisant généralement sur trois générations.
Murray Bowen, psychiatre américain, a été l’un des premiers à mettre en avant le génogramme comme outil indispensable de compréhension du système familial.
En effet, une famille est une sorte de système composé de membres dont les relations engendrent de la sympathie, des conflits, des émotions et sentiments divers, etc. Nous partons du principe que si l’un des membres subit un bouleversement, par exemple, l’ensemble du système peut s’en trouver affecté.
Il est considéré que les vulnérabilités des membres d’une structure familiale se retrouvent bien souvent d’une génération à l’autre. Les mêmes histoires se reproduisent, tout comme les solutions adoptées.
Il peut ainsi y avoir des répétitions transgénérationnelles de comportements tels que la dépendance à l’alcool, la violence envers le conjoint, l’anorexie, etc. Il s’agit de dettes émotionnelles impayées. Cela signifie que des membres de la famille peuvent porter le poids d’évènements qui ne leur appartiennent pas, ils paient le prix de faits qui remontent à des générations antérieures.
C’est pourquoi analyser la structure familiale sur plusieurs générations lors d’une thérapie peut permettre aux patients de vivre à nouveau leur propre vie sans emporter avec eux les vécus de leurs parents, grands-parents, etc. Ils peuvent se libérer du poids porté par plusieurs générations.
Le génogramme d’une famille peut être comparé à l’arbre généalogique, mais il a pour but de mettre en lumière la nature des relations intrafamiliales (alliances entre certains membres, par exemple) et a une visée thérapeutique. Ce n’est pas le cas de l’arbre généalogique.
Le génogramme fait partie des objets flottants
Les objets flottants sont des techniques d’entretiens systémiques mises en œuvre lorsque la juste distance entre le professionnel et la famille est difficile à trouver ou si la discussion ne suffit pas à comprendre les relations entre les membres de cette famille. Ils sont un moyen de sortir de l’entretien conventionnel où les patients peuvent avoir du mal à s’exprimer.
C’est le génogramme qui donne la parole aux patients. Ils racontent ce qu’ils savent de leur histoire pour que les hypothèses puissent ensuite se construire avec l’aide du thérapeute (psychologue, psychothérapeute, etc.).
Le génogramme devient alors une sorte de support, d’intermédiaire, entre la famille et le professionnel. Chacun va s’y appuyer pour recueillir des informations sur les liens entre les membres d’une famille et les relations construites à partir de ces liens. Il permet de faire travailler la mémoire sur le passé vécu par la famille, et qui a été oublié ou refoulé (évènements traumatisants, maladies, conflits, etc.). Cette représentation graphique facilite ainsi la compréhension des symptômes ressentis par certains patients, et dont la source est complexe à définir.
Exemple de génogramme simple sur les relations familiales :
Cet outil systémique comporte de nombreux avantages
Le génogramme comporte plusieurs atouts, que ce soit pour le professionnel ou les familles.
Il favorise l’implication des familles dans le travail thérapeutique
Le génogramme facilite la parole. Il suscite la curiosité et des questionnements dans la mesure où les membres font des découvertes au fur et à mesure qu’ils racontent leur histoire. Par exemple, ils peuvent s’étonner de voir que leur structure familiale comprenne autant de membres dont ils ne connaissaient pas l’existence ou alors de découvrir des professions originales exercées par leurs ancêtres. Et petit à petit, le récit des personnes permet au thérapeute de mieux comprendre la place et le rôle de chacun dans la structure familiale.
Il permet de comprendre les différents modèles familiaux
En fonction des différents échanges entre les membres de la famille pour la réalisation de ce génogramme, le thérapeute arrive petit à petit à percevoir s’il existe des coalitions, des comportements qui se reproduisent, etc. Il comprend mieux la complexité de certains modèles familiaux. Il est alors possible d’émettre des hypothèses.
Il facilite le déblocage des schémas familiaux complexes
Une fois que la famille et le professionnel ont réussi à mettre en lumière de nouvelles informations sur l’histoire familiale, il est possible de mieux comprendre les problématiques que les différentes générations répètent. En effet, les familles reproduisent les mêmes difficultés et réponses adaptatives au fil des générations. La connaissance de ces problèmes (non-dits, tabous, secrets de famille, etc.), peut permettre à la génération actuelle, mais aussi aux générations futures d’éviter de rejouer les mêmes scénarios. En comprenant le contexte d’apparition d’un symptôme grâce à la lecture de l’histoire familiale, il est plus facile d’aider le patient qui éprouve du mal-être à guérir. Il est donc possible d’équilibrer le système familial en s’appuyant sur la façon de fonctionner de la famille aujourd’hui, mais aussi sur son histoire.
À titre d’exemple, Julie est amenée à consulter un thérapeute parce qu’elle ressent de la colère et des angoisses à chaque fois qu’elle doit aller voir ses parents. Cette réaction est due au fait que ces derniers ont toujours été très durs avec elle et l’ont sans cesse rabaissée. En faisant le génogramme, elle comprend que ses parents et grands-parents ont été élevés sans affection, qu’ils n’avaient jamais le droit de se plaindre et de faire part de leurs émotions. En prenant conscience de cette réalité, Julie arrive à apaiser ses émotions négatives et à pardonner, car elle se rend bien compte que sa famille reproduit ce schéma parce qu’elle n’en connaît pas d’autre. Pour cette famille, il est donc normal de continuer à élever les enfants de la même façon.
Il aide les familles à déculpabiliser de consulter un thérapeute
Certaines personnes peuvent avoir beaucoup de mal à accepter de se faire aider par un professionnel. Elles peuvent avoir honte de ne pas réussir à s’en sortir seules ou trouver incorrect d’exposer leurs problèmes en dehors du cercle familial. « Laver son linge sale en famille » est une expression bien connue. Bien souvent, les générations antérieures se sont débrouillées seules, et c’est notamment la raison pour laquelle les comportements dysfonctionnels ont pu se répéter au fil du temps.
Dans ce cas, le génogramme s’avère être efficace pour aider les membres d’une famille à déculpabiliser, car il les amène à travailler sur un outil visuel sur lequel ils sont invités à retracer leur histoire. Ils ne parlent pas uniquement d’eux, ils parlent aussi des autres. Cela est moins anxiogène que d’évoquer d’emblée ses difficultés à un inconnu.
Il n’existe pas de règle stricte pour construire un génogramme
Malgré tout, des critères standards ont été définis afin de faciliter son élaboration.
Le thérapeute élabore la carte de la structure familiale grâce aux données collectées
Cette collecte d’informations se fait lors d’un ou plusieurs entretiens familiaux. Pour que le génogramme soit pertinent, il est important de se référer au minimum à trois générations. Figurent dans le génogramme :
- des informations basiques comme le nom, prénom, âge, etc. Indiquer le prénom est important, car le thérapeute et la famille pourront se rendre compte par la suite qu’une personne a hérité du prénom d’un oncle qui s’est suicidé, par exemple ;
- des renseignements concernant la situation professionnelle, le lieu de résidence ;
- les dates de faits qui ont marqué l’histoire familiale (divorces, conflits familiaux, violences, pathologies, décès, etc.). Il s’agit du génosociogramme. Il peut également mettre en évidence des secrets de famille, le syndrome d’anniversaire (un individu peut manifester des signes de souffrance à l’approche de dates liées à des évènements pénibles).
Une fois que la personne a raconté tout ce qu’elle sait sur son histoire familiale, il est alors possible de relier les évènements et d’émettre des hypothèses.
Le professionnel utilise des symboles
Le génogramme se construit à l’aide de symboles :
- les hommes sont représentés par des carrés, et les femmes par des cercles ;
- les membres d’un couple sont reliés par des lignes horizontales. Si ces personnes sont séparées ou divorcées, ces lignes sont brisées ; ils sont reliés à leurs enfants par de petites lignes verticales ;
- les couples qui vivent en concubinage sont unis par des lignes horizontales en pointillés ;
- les enfants qui ont été adoptés sont reliés à leurs parents adoptifs par des lignes verticales et en pointillés ;les membres faisant partie de la
- même génération sont tous placés au même niveau, les uns près des autres ;
- les hommes décédés sont indiqués par un X barrant leur rectangle, et les femmes ont un X qui barre leur cercle. L’année de leur décès est indiquée au-dessus du symbole ;
- les fausses couches, avortements, bébés mort-nés, sont représentés par un triangle ou de minuscules cercles.
Exemple de génogramme :
Le génogramme peut se lire de différentes façons
Les niveaux de lecture d’un génogramme diffèrent selon que l’on se situe d’un point de vue relationnel, fonctionnel ou structurel.
Une lecture relationnelle, fonctionnelle ou structurelle
La lecture relationnelle de l’outil systémique va permettre de comprendre les diverses relations entretenues par chaque membre d’une famille comme les divergences, les affinités, etc.
Si l’on s’attache au niveau fonctionnel, le professionnel et la famille vont obtenir des informations sur les fonctions de chacun au sein de la structure familiale et la manière dont ses membres s’adaptent aux différents changements vécus par le système (maladies, naissances, etc.).
Enfin, la lecture structurelle du génogramme montre si la famille évolue en harmonie avec le système culturel de la société dans laquelle elle vit. Si ce n’est pas le cas, cela peut avoir un impact sur les places de chacun et perdurer au fil des générations.
Une lecture horizontale ou verticale
Qu’il s’agisse d’une lecture relationnelle, fonctionnelle ou structurelle, celle-ci peut être réalisée horizontalement. Dans ce cas, le thérapeute et la famille se concentrent sur le présent. Si la lecture est effectuée verticalement, plusieurs générations sont étudiées.
Ce type de représentation graphique connaît des limites
Nous héritons tous d’une histoire familiale où certains évènements, certains conflits n’ont pas été solutionnés par les générations antérieures. Effectuer un retour en arrière peut permettre d’éviter de reproduire certaines situations qui engendrent de la souffrance, des troubles psychiques, etc.
Mais il ne faut pas non plus considérer le génogramme comme étant un outil miraculeux capable de guérir tout dysfonctionnement familial.
Tout d’abord, il se peut que certains patients n’arrivent toujours pas à parler de certains faits (secrets de famille, viols, suicides, etc.), qu’ils craignent que le thérapeute porte un mauvais jugement sur leur famille. S’ils luttent contre le changement, le mode de fonctionnement familial risque de perdurer.
D’autre part, travailler sur les transmissions multigénérationnelles ne doit pas systématiquement pousser le thérapeute ou la famille à croire que chaque évènement est lié au passé. En effet, même si une génération a connu des évènements douloureux, des problèmes familiaux, cela ne veut pas dire que ceux-ci se reproduiront systématiquement lors des générations suivantes.
L’utilisation du génogramme nécessite une formation préalable
Afin d’être appliqué efficacement auprès des familles, les professionnels du secteur social et médico-social doivent s’approprier l’outil. La formation sur la guidance parentale créée par Epsilon Melia leur permet d’apprendre à faire un génogramme afin de les aider à mieux comprendre les symptômes dont peuvent souffrir leurs patients. Notre organisme de formation propose également d’autres programmes concernant la systémie familiale (secrets de famille, entretien familial, etc.).
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